Le pluralisme à la pendule
Dans l’atmosphère
d’une campagne électorale, les partisans de l’un ou
l’autre camp sont toujours prompts à critiquer
l’arbitrage.
Pris dans une
certitude collective, ils s’empressent d’estimer que leur
champion a manqué de
temps pour expliquer sa cause, que le journaliste lui a posé
des questions malveillantes ou qu’il a au contraire
avantagé son adversaire. Cette
critique de l’arbitre reste en général confinée aux discussions
privées, puisqu’il
est souvent difficile d’étayer ce sentiment par un fait
indiscutable. Parfois, une crise éclate plus ouvertement.
SOuvenez-vous : le 4 mai
2012, soit l’avant-veille du second tour des élections
présidentielles, Jean-François Copé alors
secrétaire général de l’UMP s’en
est publiquement pris aux médias. Des médias « complaisants », coupables selon lui d’une
« une alliance objective
» avec François Hollande pour « brûler » Nicolas Sarkozy !
Et ça ne s'est pas amélioré depuis. La campagne 2017 s’accompagne d’une critique récurrente des médias par Marine Le Pen et François Fillon, qui leur reprochent de relayer leur mise en examen. Ces incidents récurrents témoignent de la pression qui accompagne le métier de journaliste politique.
Sans doute en partie du fait de cette pression, les organisateurs de débats réfléchissent aux meilleurs moyens de produire les conditions de l’objectivité.
Et ça ne s'est pas amélioré depuis. La campagne 2017 s’accompagne d’une critique récurrente des médias par Marine Le Pen et François Fillon, qui leur reprochent de relayer leur mise en examen. Ces incidents récurrents témoignent de la pression qui accompagne le métier de journaliste politique.
Sans doute en partie du fait de cette pression, les organisateurs de débats réfléchissent aux meilleurs moyens de produire les conditions de l’objectivité.
On l’a vu au cours
du débat à 11 participants, le 4 avril dernier : les
journalistes Ruth Elkrief et Claire Chazal ont passé la soirée à
gendarmer les candidats sur leur temps de parole disponible. Les
organisateurs d’une émission comme « l’émission politique »,
qui reçoit un seul invité à la fois, vérifient pour la
même raison le nombre de
personnalités reçues de droite et de gauche, pour ne pas
être pris en flagrant délit de favoritisme.
Les deux candidats
retenus pour le second tour des élections présidentielles vont
débattre à la télévision, et ce sera le moment clé de la
campagne.
Le chronomètre, au même titre que la hauteur des chaises, l’interdiction des plans où un candidat est filmé en train d’écouter, ou la présence de plusieurs réalisateurs en régie, seront autant de dispositif technique permettant de canaliser et de rationaliser cette compétition aléatoire pour l’accession à la magistrature suprême.
Cependant, le chronomètre possède une signification supplémentaire : si sa présence sur la scène du débat est le résultat d’un compromis entre participants, il rappelle aussi de façon subliminale que le pluralisme audiovisuel en période électorale est régi par une loi à laquelle ils se soumettent.
Le chronomètre, au même titre que la hauteur des chaises, l’interdiction des plans où un candidat est filmé en train d’écouter, ou la présence de plusieurs réalisateurs en régie, seront autant de dispositif technique permettant de canaliser et de rationaliser cette compétition aléatoire pour l’accession à la magistrature suprême.
Cependant, le chronomètre possède une signification supplémentaire : si sa présence sur la scène du débat est le résultat d’un compromis entre participants, il rappelle aussi de façon subliminale que le pluralisme audiovisuel en période électorale est régi par une loi à laquelle ils se soumettent.
CSA : plus souple cette année
Organisme gouvernemental indépendant, le CSA garantit que les candidats à la présidentielle sont équitablement traités.
Jusqu’à l’an
dernier, le temps de parole des candidats était très fortement
encadré. La première période,
qui allait du 1 er janvier de l’année où se
déroule le scrutin jusqu’à la date de
clôture du dépôt des candidatures vers la mi-mars, se
faisait sous le régime de
l’équité. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA),
l’instance indépendante
chargée de surveiller les campagnes électorales à la radio et
à la télévision, recommandait d’accorder aux
candidats ou aux partis
politiques des temps de parole ou d’antenne qui tiennent compte
de leur représentativité et de leur implication
effective dans la campagne.
Tous les candidats n’étaient alors pas officiellement déclarés, ce qui laissait aux journalistes une franche latitude dans leur traitement de l’information.
Tous les candidats n’étaient alors pas officiellement déclarés, ce qui laissait aux journalistes une franche latitude dans leur traitement de l’information.
La seconde période
était plus restrictive : de la clôture du dépôt des
candidatures à la campagne « officielle » qui débutait
deux semaines avant le premier
tour des élections, le CSA préconisait une équité de temps
d’antenne et une
égalité de temps de parole. Cette condition ne contraignait pas
trop fortement le
travail des journalistes.
Il était encore possible, durant cette phase, d’inviter aux heures de grande écoute les principaux candidats et leurs représentants, tout en retransmettant tard dans la nuit, sur la même antenne, le meeting des « petits » candidats aux intentions de vote plus modestes.
Il était encore possible, durant cette phase, d’inviter aux heures de grande écoute les principaux candidats et leurs représentants, tout en retransmettant tard dans la nuit, sur la même antenne, le meeting des « petits » candidats aux intentions de vote plus modestes.
Mais une telle démarche n’était plus
possible au cours du troisième
intervalle, ce laps de quatre semaines avant le second
tour, qui constitue, selon
le Journal officiel, la campagne électorale proprement dite.
À cette période de l’année où l’intérêt des Français pour la compétition électorale atteignait en général son paroxysme (et nous y sommes!), le CSA exigeait une stricte égalité entre candidats : un temps de parole, d’antenne, et des conditions de programmation comparables. Chaque intervention des candidats ou de leurs porte-parole se faisait sous la sourcilleuse surveillance d’un chronomètre.
À cette période de l’année où l’intérêt des Français pour la compétition électorale atteignait en général son paroxysme (et nous y sommes!), le CSA exigeait une stricte égalité entre candidats : un temps de parole, d’antenne, et des conditions de programmation comparables. Chaque intervention des candidats ou de leurs porte-parole se faisait sous la sourcilleuse surveillance d’un chronomètre.
Cette
rigueur est aujourd’hui assouplie: probablement invité par les
responsables des grandes chaînes, qui n’ont jamais accepté ces
contraintes imposées par le pluralisme, le CSA a assoupli les
conditions du temps de parole. La loi
organique du 25 avril 2016 de modernisation des règles applicables à
l’élection présidentielle a en effet modifié le décompte du
temps de parole des candidats, comme
le rappelle cet
article de La Croix.
Le
principe d’équité remplace désormais celui d’égalité du
temps de parole durant la période allant de la publication de la
liste des candidats au Journal Officiel jusqu’à la veille de la
campagne officielle, en l’occurrence du 20 mars au 9 avril,
et à « des
conditions de programmation comparables ».
Cela signifie pour des créneaux horaires précis. Par exemple, la
tranche du matin, 6 heures-9 heures 30, ou la tranche de la soirée,
18 heures-24 heures, ou encore les émissions d’information
diffusées entre 19 h 30 et 21 heures.
Seules les deux
dernières semaines avant le premier tour de scrutin, du 10 au 22
avril, seront encore soumises à l’égalité du temps de parole
dans les médias télé et radio.
Lorsque les règles
sont moins strictes, les temps de parole vont tendanciellement aux
candidats que les commentateurs professionnels considèrent comme les
futurs vainqueurs. Une enquête statistique faite sur le temps de
parole médiatique des candidats aux primaires républicaines US ont
démontré une corrélation quasi parfaite entre les intentions de
votes pour chaque candidats recueillies par les principaux sondeurs,
et leur temps de parole dans les grands Networks.
En France, nous
n’en sommes pas encore là (du moins pas pour les présidentielles), même si l’assouplissement des règles
du CSA a de mon point de vue été un signal fort interprété par
TF1 comme une autorisation de créer un débat pour les cinq
« grands » candidats.
Ce qui est
intéressant en revanche, c’est que cette permission données aux
grandes chaînes de se focaliser sur les « grands candidats »
a offert a l’inverse l’opportunité à deux « petites »
chaînes de monter ce débat à onze qui s’est révélé très
suivi.
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